Mon Voyage Intérieur

« Si voyager est, depuis un certain temps, un luxe accessible (mais luxe quand-même), c’est devenu depuis mars 2020 une sinécure, une illusion. Un souvenir d’un temps passé dont on ne sait pas quand il reviendra.

Car, de toute façon, il reviendra, mais il reviendra comment ? Et comment serons-nous lorsqu’il sera à nouveau là ? Beaucoup de personnes se posent cette question depuis longtemps. Pas moi.

Mon voyage a commencé il y a 48 ans. J’étais dans le jardin de notre maison familiale en bord de mer en Toscane, près de Pise. A l’époque, je passais mon temps dans une cabane que mon grand-père avait construite pour nos jeux avec ma sœur. Une fois c’était mon château, mon navire en pleine tempête ou bien mon vaisseau spatial…et mon agence de voyages. Je m’inventais des paroles en anglais et je rêvais de faire voyager mes doudous et mes petits soldats de plomb à travers le monde. J’avais 8 ans et déjà je voulais être agent de voyages.

Je suis un homme chanceux car ce n’est pas donné à tout le monde de réaliser son rêve d’enfance. Moi je l’ai fait. J’ai réalisé mon rêve. Ce rêve est devenu mon métier il y a 34 ans. J’ai voyagé à travers le monde entier, j’ai vécu pour des périodes plus ou moins longues dans plusieurs pays, je parle ou me fais comprendre dans plusieurs langues et j’ai des amis dans les 5 continents.

Aujourd’hui, à cause de ce maudit virus, je ne prends plus si souvent l’avion, mais mon voyage continue encore et toujours. Proust disait que le seul véritable voyage d’expérience, n’est pas d’aller vers d’autres lieux, mais d’avoir d’autres yeux. C’est donc ce que je fais. Je voyage sans sortir de chez moi. Je ne voyage pas vers d’autres lieux, mais avec d’autres yeux.

Les derniers mois ont mis à mal des nombreuses certitudes chez chacun d’entre nous. Nous avons été bloqués pendant très longtemps. Encore aujourd’hui, il est très compliqué et contraignant de pouvoir partir. Alors, faute de pouvoir monter dans un avion, j’embarque à bord de mon imagination et je pars. Je pars dans mes souvenirs de voyage, je me remémore des moments forts de mes pérégrinations. Je repense aux personnes que j’ai rencontrées, qui ont croisé mon chemin depuis tout ce temps, ne serait-ce que pour un court instant, peut-être juste le temps d’un regard, mais qui sont restés dans ma mémoire pour ces mystères de l’intellect humain qu’il est difficile d’expliquer. A Salvador de Bahia, Istanbul, La Havane ou Samarcande.

Des gens dont je ne connais pas le nom, que je n’ai jamais revu et que je ne reverrai jamais mais qui ont contribué, le temps d’un instant, à faire de moi l’homme que je suis aujourd’hui.

C’est un long, intense, magnifique voyage intérieur que je fais depuis mars dernier. Un voyage qui m’a porté au plus profond de moi-même : qui m’a plongé en abîmes par moment, qui m’a fait voler jusqu’au nuages et encore plus haut à d’autres instants, et qui n’a jamais, jamais, oh jamais, été banal ou ennuyant.

J’ai découvert des choses sur Fabio que moi-même j’ignorais. J’ai trouvé une force incroyable d’affronter toutes les intempéries dont le destin a paré mon chemin. Cette pandémie a voulu me tuer mais au final, c’est moi qui ai gagné.  Oui, quoi qu’il arrive, j’ai gagné, déjà. J’ai gagné car cette période m’a permis de faire un voyage que je n’aurais probablement jamais effectué si nous n’avions pas eu en cadeau ce temps qui nous a été offert pour nous arrêter de penser à nos vies, à nous-mêmes, aux gens qui nous sont proches et que parfois, courant dans nos trains-trains quotidiens bien occupés et un peu dingues, nous ne voyons pas.

Comme nombreux d’entre nous, j’ai perdu beaucoup de choses depuis quelques mois : un beau travail qui m’était promis, de l’argent…mais bien plus nombreuses et importantes sont celles que j’ai (re)trouvées : des nouveaux amis, de la conviction en mes idées, en mon potentiel inexploité dont je ne soupçonnais même pas l’existence et l’ampleur. J’ai retrouvé le goût doux et enivrant des choses importantes de la vie. Des choses qui ont du sens, qui apportent du sens à nos journées et à nos semaines, passées confinées à ne rien faire d’autre que penser à soi. Et à voyager, en soi.

Beaucoup d’entre vous probablement ne comprendront pas ce que je veux dire et ce que je peux ressentir en ce moment. Ils me prendront pour un doux dingue ou bien pour quelqu’un de prétentieux, ou encore pour quelqu’un totalement déconnecté de la réalité et qui rêve de sa vie. Ce n’est pas si grave. Ce qui serait grave pour moi, ce serait d’avoir trahi les rêves et les espoirs de l’enfant de 8 ans que j’étais quand je jouais dans mon jardin.

Ce serait de passer mes journées à marmonner et ne rien faire de constructif de mes journées. De ne plus avoir l’envie et la force de rêver, d’imaginer tous mes beaux voyages à venir, soient-ils réels ou intérieurs.

Je souhaite à chaque personne qui aura eu la patience et l’envie de me lire jusqu’ici, d’arriver un jour, si ce n’est pas encore fait, à réaliser ce beau magnifique voyage à la découverte d’elle-même. De cet enfant qui sommeille encore en nous à tout âge mais que par manque de temps nous nous gardons trop souvent de réveiller pour jouer 10 minutes avec lui. Essayez, vous verrez c’est moins compliqué de ce que ça en a l’air.

C’est un merveilleux voyage que vous faites sans sortir de chez vous, mais qui, je vous garantis, vous emmène plus loin que n’importe quel avion. »

Le tourisme de demain, c’est maintenant

Je viens de voir couler des fleuves d’encre sur l’avenir des agences de voyages « en dur », comme tous les ans de manière récurrente lors de la sortie dans la presse de certains sondages sur leur avenir et qui en décrètent la perte inexorable et imminente.

A mon sens affirmer quelque chose de la sorte, pas seulement c’est une provocation inutile, mais à mon avis une affirmation assez stérile et qui n’apporte pas grand-chose au débat.

Attention: je ne suis pas en train de dire que ce n’est pas vrai, ni que nous ne devons pas nous interroger sur ce point: simplement, le « les agences de voyages sont has been et elles vont bientôt mourir », c’est un propos que j’entends depuis qu’Internet a investi notre secteur, et pourtant elles sont encore là et bien là.

Se poser la question est déjà une manière de prendre acte d’un fait, mais si cela se limite à dire que pour un vendeur d’une agence de voyages « traditionnelle », c’est-à-dire « physique », cela est l’antichambre du chômage, peu importe que ce soit vrai ou pas, ça ne change rien si on ne bouge pas.

C’est un peu comme la fameuse blague sur les blondes, où une charmante jeune femme en marchant dans la rue, voit une peau de banane par terre et se dit « mince, je vais encore tomber ! ».

Ni plus, ni moins.

Notre métier, qui date du XIXème siècle, n’a pas ou peu changé depuis : les agences sont différentes, on a changé de support ou d’outils, mais sur le fond on rentre dans une agence où on achète toujours et uniquement des voyages.

Tout comme on rentre dans une librairie uniquement pour y acheter un livre (soit dit en passant, un autre secteur qui bat de l’aile dans son format « physique »).

Il y a comme un souci là, vous ne croyez pas ?

L’immobilisme est le vrai problème de notre secteur.

Personne n’a rien inventé de nouveau depuis au moins 20 ans.

Voyageurs du monde fut à une époque novateur et révolutionnaire dans sa formule, mais depuis peu de choses ont bougé et les initiatives originales ou nouvelles sont minimes et souvent cantonnées à des initiatives sporadiques et personnelles qui n’ont que peu ou pas d’impact sur le panorama général si ce n’est que celui d’être saluées comme intéressantes dès que par le plus grand des hasards un journaliste un peu plus curieux de la moyenne en parle dans a presse.

Face à un effritement du nombre de personnes qui s’adressent à une agence de voyages traditionnelle, nous devons nous réinventer, et pas seulement l’agence en tant que lieu physique, mais en tant que concept.

On a beau faire des belles agences où on a un magnifique site ou que sais-je, c’est l’offre qui doit être repensée, ainsi que la manière de la proposer et de la vendre dans son intégralité.

Il faut donner envie de venir spontanément dans une agence de voyages comme on va spontanément dans un restaurant quand on a faim ou faire la queue à 5h du mat’ sur un trottoir pour acheter le dernière modèle de Smartphone à la mode.  

J’ai mes idées évidemment, mais je ne détiens pas hélas la recette miracle.

Associer un volant digital au point de vente physique désormais est une chose tellement connue et banale que même les enfants de maternelle le savent… mais comment le faire, pour donner quel contenu et sous quelle forme?

Une chose est certaine: notre secteur manque cruellement de formation et d’information, d’un véritable baromètre des tendances, pas des ventes de voyages, mais des tendances tout court : à quoi s’intéressent aujourd’hui les gens ? Quelle chose, quelle activité fait vibrer un jeune de 20 ans par rapport à une personne de 50 ?

Chaque agence ou réseau d’agence devrait avoir un sociologue dans ses rangs, voir un anthropologue.

Une personne capable d’humer l’air du temps, de comprendre avant les autres ce qui va être à la mode, de savoir adapter le produit, le service et les offres aux envies du moment.

De mon point de vue, ce qui est vraiment révolu – mais pas que dans le voyage, dans n’importe quel secteur d’activité ou presque –  c’est le modèle du voyage packagé et « clé en main ».

Même dans le secteur automobile on ne fait plus ça, il existe désormais une offre tellement large d’accessoires, de coloris de personnalisations possibles, que chacun d’entre nous pourrait rouler dans une voiture différente de n’importe quelle autre, alors pourquoi ne pas faire son propre voyage différent de n’importe quel autre ?

Après tout nous sommes tous différents et on clame tous notre unicité haut et fort.

En France on aime affirmer dans bien de domaines « l’exception française », mais dans le voyage, elle est où cette exception ?

En quoi nous agissons autrement que les autres, en quoi nous faisons la vraiment la différence ?

Comprendre nos potentialités, nous mettre vraiment au service du client pour l’aider à réaliser vraiment le voyage dont il rêve et qu’il souhaite faire, c’est ça à mon avis le vrai enjeu de notre secteur si nous ne voulons pas disparaître : que cela soit physique, digital ou phygital peu importe, pourvu que cela réponde aux besoins des clients.

%d blogueurs aiment cette page :